Programme Élysée Prim : de quoi s’agit-il et comment postuler ?

J’espère que la seule lecture du titre n’a pas suffi à vous décourager de lire l’article ; je vous rassure, cela n’est rien par rapport à toutes les explications administratives qui vous attendent ! L’introduction qui va suivre est dédiée aux lecteurs non-germanophones (autrement dit : si vous avez réussi à lire le titre de l’article sans trébucher, bravo ! et vous pouvez directement passer au paragraphe suivant). Lors de la toute première rencontre à laquelle j’avais participé au sujet de l’échange, j’avais noté ce mot dans mon petit carnet (et avais réussi l’exploit de le faire tenir de ma plus belle écriture en une ligne sur une feuille format A7). De retour à l’école (enfin plus exactement : dans l’une de mes écoles) à Paris, au cours d’une réunion, une collègue avait lu ce mot et avait fait de grands yeux en me demandant ce que cela signifiait (coucou V. d’ailleurs si tu passes par là 😉 ). C’est très simple, vous savez déjà qu’il ne faut pas être effrayé par les loooooongs mots allemands ; il suffit de décomposer le mot… en commençant par la fin ! Nous avons donc : Austausch (échange), Lehrer (professeur), et Grundschule (école élémentaire). Lions le tout avec des petits articles, ajoutons-y une pincée d’adaptation française, et nous obtenons la traduction de Programme Élysée Prim : échange d’enseignants du premier degré. Avouez que le titre eut été moins vendeur en VF !

Maintenant que vous êtes incollable sur la composition du mot, voyons maintenant ce qui se cache derrière toutes ces lettres. Le Programme Élysée Prim est un programme organisé par l’OFAJ à destination des professeurs des écoles côté français (soit maternelle ou élémentaire), et des Grundschullehrer (professeur de la 1. Klasse (Erste Klasse, soit la première classe, équivalent du CP) à la 4. Klasse (Vierte Klasse, soit la quatrième classe, équivalent CM1)) ou des Erzieher (éducateurs) en Kindergarten (jardin d’enfants) côté allemand. Chaque professeur part enseigner sa langue maternelle au minimum une année scolaire dans l’autre pays, pour ensuite revenir dans son pays d’origine, où il a pour mission au mieux d’enseigner la langue du pays voisin dans sa classe ou son école, au pire d’oeuvrer à la pérennité de l’enseignement de la langue étrangère. On parle d’échange, car il s’agit d’un échange entre académies et Länder (régions allemandes) : si l’académie accepte de laisser partir un professeur, elle accepte en retour d’accueillir un professeur allemand, et vice-versa pour les Länder. Cela dit, il n’y a pas d’échange au sens strict :

  • Primo : les postes (sauf exceptions très particulières) ne sont pas échangés. Ainsi un professeur allemand n’occupe pas le poste d’un enseignant français parti en Allemagne et inversement.
  • Deuxio : les échanges entre académies et Länder ne sont pas bilatéraux. Par conséquent une académie peut accueillir des professeurs allemands venant de Länder dans lesquels elle n’a pas forcément de professeurs des écoles en poste dans le cadre de l’échange. Il arrive en revanche parfois que des partenariats entre académies et Länder soient renforcés (exemples : académie de Bordeaux et Land de la Hesse ; académie de Paris et Land de Berlin). Cela ne vaut toutefois pas obligation de demander le Land partenaire.
  • Tertio : au sein de l’académie ou du Land, l’échange est également entendu au sens large, et ne se limite pas à la seule commune ou département de l’école. « Détail futile » me répondrez-vous en ce qui concerne l’académie de Paris qui est ville-département-académie à elle seule… mais qui a sa moindre importance en province dans les autres académies. Par exemple, l’académie de Lille (composée des départements du Nord et du Pas-de-Calais) peut envoyer un professeur en Allemagne, qui enseigne dans le Pas-de-Calais, et accueillir un professeur allemand qui enseigne à Lille – soit dans le Nord pour ceux qui ne seraient pas incollables sur les départements.

Toutes ces précisions peuvent vous paraître superflues, mais, sait-on jamais, pourront vous être bien utiles pour argumenter auprès de votre hiérarchie et défendre votre place dans l’échange auprès d’un inspecteur.

L’idée à présent n’est pas de reprendre mot à mot le Bulletin Officiel (BO pour les intimes), mais plutôt de vous livrer un aperçu de ce qui vous attend si vous décidez de vous lancer dans l’aventure. Pour toutes les informations institutionnelles, actualisées et officielles, je vous renvoie aux sites de l’Éducation Nationale et de l’OFAJ.
Je ne parle évidemment que de la candidature côté français.

  • Tout commence courant novembre de l’année scolaire précédant l’échange, par l’envoi d’une circulaire appelant aux candidatures pour l’échange et précisant les modalités de candidatures, ainsi que quelques détails pratico-administratifs (notamment le calendrier des échéances à venir). Normalement, par le jeu des cascades descendantes de mails, vous recevez ce mail via votre école. Si cela n’est pas le cas, pas de panique : il suffit de guetter le BO courant novembre.
  • Vous avez ensuite quelques semaines pour constituer le dossier de candidature. Ce document se trouve en format pdf dans le fameux mail vous transmettant la circulaire, ou en format word sur le site internet eduscol. Rien de bien compliqué, il suffit de remplir les formulaires et de répondre aux questions. C’est dans ce dossier que vous effectuez vos voeux et que vous pouvez / devez y mentionner toute information que vous jugez utile de transmettre.
  • Arrive maintenant la première étape de montée du dossier. Comme toute ascension, celle-ci n’est pas sans risque ; à vous de prendre toutes les précautions pour éviter au maximum les pertes ! Vous avez une date butoir (généralement, début janvier) pour transmettre votre dossier à l’Inspecteur de l’Éducation Nationale (IEN pour les intimes) de votre circonscription. L’IEN est ensuite chargé de faire monter votre dossier au DASEN (directeur académique des services de l’Éducation Nationale), complété d’un avis (favorable ou réservé), qui ne reste qu’un avis consultatif (à titre d’exemple, une collègue a obtenu un avis réservé de son IEN, mais a quand même pu participer à l’échange). Cela vous paraît simple ? Prenez garde, l’ascension peut se révéler périlleuse (mon récit ici).
  • Si votre ascension a réussi, votre dossier est entre les mains du DASEN, qui, selon l’académie, vous convoque ou non à un entretien.
  • L’entretien en lui-même est effectué selon diverses modalités en fonction de l’académie, mais dans tous les cas, il servira à jauger vos motivations à participer à l’échange, à envisager les possibilités qui vous attendent à votre retour en France pour l’enseignement de l’allemand, et à tester votre niveau en langue (sans que cela ne soit éliminatoire). Vous pouvez vous retrouver face à une, deux ou trois personne(s), qui sont des représentants de l’Éducation Nationale (IEN en charge de l’enseignement des langues vivantes, conseiller pédagogique, inspecteur d’allemand, représentant du DASEN, etc.). La commission d’entretien émet un avis (réservé – qui doit être dans ce cas justifié – favorable, et même parfois… très favorable 🙂 )
  • Votre dossier est presque arrivé au sommet, et malgré tous les efforts préalablement accomplis, il suffit d’une signature pour vous hisser au sommet tant convoité… ou vous faire dégringoler tout en bas… jusqu’à l’année suivante si vous ne baissez pas les bras. Le graal vous est délivré par le DASEN, qui autorise ou non votre départ en fonction : de votre dossier (un peu – cf. l’exemple d’une collègue qui avait un avis réservé de son IEN) ; de la conjoncture administrativo-administrative qui détermine le nombre de postes sur le marché de l’échange dans votre académie (beaucoup – cf. mes explications sur l’échange, et ajoutez à cela la variable des enseignants qui renouvellent pour une année) ; mais surtout, de ses pouvoirs régaliens (à la folie – en effet, selon ces mêmes pouvoirs régaliens, le DASEN peut être en mesure de faire fluctuer le nombre de postes que l’académie ouvre à l’échange, à la hausse comme à la baisse).
  • En théorie, si le DASEN a apposé sa signature sur votre dossier, vous êtes sûr(sure) de participer à l’échange. En tout cas, votre dossier est envoyé à la grande commission bi-nationale de répartition entre académies et Länder. Celle-ci a lieu fin avril. Selon les académies, vous êtes informé(e) ou non de la validation de votre dossier. Pour ma part, alors que je n’attendais des nouvelles de mon dossier que fin avril à l’issue de la commission de répartition, pensant savoir à cette occasion si je partais ou non, et dans l’affirmative, mon Land d’affectation, j’ai eu la surprise de recevoir un coup de fil du secrétariat du DASEN un beau jour de mars m’annonçant la validation de mon dossier. Si j’ai été bien évidemment heureuse d’apprendre cette nouvelle, le fait d’en être informée de manière prématurée (par rapport à ce qui m’avait été annoncé), m’a fait dans un premier temps un drôle d’effet. Et puis ne pas avoir l’intégralité de la nouvelle comme je l’avais imaginé (puisqu’au moment du coup de fil, la commission d’affectation n’avait pas encore eu lieu) a accru la longueur de l’attente jusqu’à fin avril ! Enfin, j’ai appris par la suite – et heureusement que je n’étais pas dans ce cas ! – que la signature finale du DASEN n’équivalait pas à un départ en Allemagne assuré à 100%. Donc, si un jour vous recevez le coup de fil vous annonçant la validation du dossier, prudence ! Mais en théorie, vous pouvez quand même commencer à vous réjouir, car, à moins d’avoir effectué des voeux trop restreints ne vous permettant pas d’obtenir un poste, la commission vous affectera sur un Land.
  • À partir de là, votre dossier quitte les mains de l’Éducation Nationale, qui vous met à disposition de l’OFAJ pendant une année scolaire, laquelle vous prend désormais en charge. Quant à votre poste en France (si vous en êtes titulaire), celui-ci vous est gardé au chaud pendant un an (et fera peut-être le bonheur d’un(e) remplaçant(e) qui sera ravie(e) d’avoir un poste certes provisoire mais pour une année scolaire complète).

Enfin, sachez qu’il est possible de renouveler une fois (et une fois seulement) l’échange. Si vous souhaitez renouveler, il faut effectuer exactement les mêmes démarches que pour un premier départ, à ceci près que dans votre dossier, vous pouvez joindre une lettre de recommandation (de l’école, de votre responsable de Land, etc.) ou tout autre document qui motive votre demande de renouvellement. Quant à l’entretien, cela dépend des académies, mais il faut se préparer à l’éventualité de devoir en repasser un. Si vous franchissez à nouveau toutes les étapes, vous êtes à nouveau mis à disposition de l’OFAJ pour une nouvelle année scolaire et vous devenez un « renouvelant » (par opposition aux « nouveaux », qui effectuent leur première année d’échange). Concernant votre poste en France, celui-ci n’est a priori plus gardé systématiquement au chaud. Du moins, votre académie n’a plus obligation de vous le réserver Cela dit, certaines académies peuvent vous garder d’office le poste deux années, de même que certains inspecteurs conciliants et favorables à l’enseignement de l’allemand peuvent trouver des solutions à vous maintenir le poste, surtout si vous revenez en France avec une compétence nouvellement acquise ou fraîchement accrue : la maîtrise de l’allemand.

S’il n’est pas possible d’effectuer plus de deux années scolaires consécutives en Allemagne, il est en revanche envisageable d’effectuer le Programme Élysée Prim plusieurs fois au cours de sa carrière. Vous pouvez ainsi partir un (ou deux) an(s), revenir en France, puis quelques (courtes ou longues) années plus tard, repartir à nouveau à l’aventure, pour un (ou deux) an(s) encore une fois. C’est le cas de plusieurs participants chaque année, Allemands comme Français, et il peut arriver que des « revenants » (appellation non officielle, de mon propre cru) se retrouvent à nouveau dans le cadre de cet échange quelques temps plus tard. Il n’y a théoriquement pas de limite du nombre de participations au Programme Élysée Prim au cours de sa carrière.

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