Existe-t-il une langue qui n’a pas ses Zungenbrecher (virelangues) ? Je ne pense pas, ou plutôt je ne l’espère pas : si une telle langue existait, cela voudrait dire qu’aucun jeu sur ses sonorités ne serait possible, et donc qu’elle ne serait pas amusante.

Je connaissais déjà un tas de Zungenbrecher allemands de mon stage de langue du mois d’août (amis germanistes, je peux vous les envoyer, il n’y a qu’à demander 😉 ), mais une élève m’en a fait dire un nouveau récemment : « Blaukraut bleibt Blaukraut, Brautkleid bleibt Brautkleid. » (« (Un) chou rouge reste (un) chou rouge, (une) robe de mariée reste (une) robe de mariée. »). J’adore, ma langue moins. Cette phrase illustre à elle seule la pensée pragmatico-germanique.
Enthousiasmée par ma performance pas si mauvaise que cela, mon élève a voulu vérifier si son père disait vrai. Il paraît que les Français ne savent pas prononcer :

  • Kreuzschlitzschraubenzieher (tournevis cruciforme). Un petit décorticage s’impose : un Schraubenzieher est un tournevis (lui-même composé de Zieher, venant du verbe ziehen, qui indique une idée de tirer, d’enlever – mais je vous rassure, les tournevis allemands permettent de visser ET de dévisser aussi bien que les tournevis français), un Schlitz est une fente, et une Kreuz est une croix, donc un Kreuzschlitz une fente cruciforme, et un Kreuzschlitzschraubenzieher, un tournevis cruciforme.
    J’ai réussi à prononcer le mot après l’avoir écrit, il suffit de se concentrer et de décomposer le mot calmement.
  • Eichhörnchen (écureuil). De Horn (désignant une corne d’animal) « mignonifié » en Hörnchen (désignant du coup des petites cornes), et Eiche, le chêne.
    J’ai fait un sans faute. Et je crois que mon élève s’est trouvée tiraillée entre l’admiration envers sa prof de Français et le constat décevant que son Papa n’avait pas totalement raison. Il faut dire que j’avais une antisèche : l’article d’une Française francfortoise (ici), à la suite duquel je m’étais entraînée à prononcer Eichhörnchen correctement.
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