Je n’attendais rien de ce rendez-vous. On m’avait dit d’y aller alors je me suis exécutée. Ni enthousiaste, ni réticente. C’était un samedi. On avait rendez-vous à dix heures, je suis arrivée un peu en retard. En Allemagne, cela ne se fait pas, mais j’ai la chance de pouvoir sortir la carte « Je suis Française » et d’être rapidement pardonnée, surtout si je sors pour l’occasion mon plus bel accent français. On avait jusqu’à midi, pas plus. Pas de temps à perdre, alors on a plongé dans le vif du sujet dès le départ. Au bout de quelques minutes, j’étais déjà captivée. Quelques dizaines de minutes plus tard, je me suis dit : « C’est exactement ce que je recherchais. », et j’ai pensé : « Pourquoi on ne se rencontre que maintenant ? ». Deux heures entières à me faire pétiller les yeux. Midi a sonné, on a joué les prolongations. Pour jouer encore un peu. Pour grappiller quelques informations supplémentaires et pour prendre ses coordonnées. Et se quitter en lui promettant de tout faire pour que cela dure.
Ses initiales ? CMD. Christelle Morisset-Dammann ; c’est pour sa méthode d’enseignement du Français Langue Étrangère que j’ai eu le Liebe auf den ersten Blick (coup de foudre au premier regard).
Ceux qui me connaissent savent qu’en terme de pédagogie, je suis a priori réfractaire à toute forme de méthode miracle, allergique à tout ce qui se vante d’être révolutionnaire, et a posteriori très critique lorsque l’on a essayé de me faire gober tout ce qui a l’une ou l’autre de ces caractéristiques. J’aurais donc dû partir dès la lecture du titre de la conférence : « La méthode CMD ». Mais en réalité, la méthode CMD regorge de méthodeS. De même que chaque élève est différent, chaque enseignant l’est aussi… et comme cette « méthode » n’a pas d’application unique, elle est en fait une boîte à outils géante dans laquelle tout professeur peut trouver son bonheur. Car c’est lui qui reste le chef du navire dans cette méthode. Et lui qui, avec sa personnalité, se l’approprie à sa manière.
En parlant de miracle justement, la méthode CMD n’en est pas un : elle résulte de neuf ans de pratique, de remises en questions et d’observations. Car à l’origine, Christelle Morisset-Dammann, de langue maternelle française, a enseigné le Français à des Allemands en Allemagne. D’abord dans son salon, puis dans une école primaire – lorsque son salon est devenu trop petit nous a-t-elle raconté. Les neuf ans de pratique, ce sont ses neuf ans de pratique personnelle, avec tout ce qui en découle en terme d’analyse, d’évaluation et de remise en question. Pas de pédagogue improvisé qui, tel un scientifique fou, s’est intronisé spécialiste d’une méthode sortie d’on ne sait où.
On connaît l’origine de la méthode CME, et on sait aussi parfaitement là où elle veut mener. Pas d’objectifs pompeux du genre : « Après quatre ans de méthode CMD, l’élève a le niveau A-je-ne-sais-combien-du-cadre-européen-de-référence. ». Les objectifs sont plus parlants, comme les élèves : faire en sorte qu’à l’issue de leur quatrième année, ces derniers soient capables de prendre le TGV pour Poitiers et acheter leur pique-nique au Futuroscope. Quitte à rallonger la queue car ils prononcent distinctement : « Est-ce que je peux avoir un sandwich s’il vous plaît ? » au lieu du plus familier, mais plus rapide : « Un sandwich s’il vous plaît ! ». Histoire vraie. Comme toutes les anecdotes d’ailleurs qui ont ponctué les deux heures de présentation. Second objectif : préparer les élèves au Gymnasium (enseignement secondaire). Pour ceux qui ne connaissent pas le système allemand et ses ramifications dès l’issue de la quatrième année de scolarité, sachez que le Gymnasium est la filière la plus exigeante scolairement (n’y accède pas qui veut). Et à en croire les retours des anciens élèves ou parents d’élèves, l’objectif est largement atteint.
Pour ajouter une touche pédagogique très en vogue, la méthode CMD ne délaisse pas la différenciation. Il est possible sans se fatiguer de gérer la classe la plus hétérogène qui puisse exister. Et, cerise sur le gâteau, elle convient aux classes uniques bien sûr, mais également aux classes à multiples niveaux, du double au quadruple.
Enfin, et c’est cela qui a achevé de me séduire, la méthode CMD ne nécessite pas un « haut niveau » en Français pour l’enseignant qui l’utilise. Je ne parle pas des enseignants de langue maternelle française, mais des professeurs allemands qui enseignent le Français. Tout est prévu : de belles antisèches permettent d’avoir en un coup d’oeil la globalité du thème abordé, et des CD permettent aux élèves d’entendre à la maison un Français parfait sans accent. En outre, elle plante de bonnes images subliminales dans la tête des écoliers, qui leur seront bien utiles plus tard lorsque l’apprentissage du Français sera plus poussé. Et il n’y a rien de plus important que d’effectuer une première gravure correcte en matière d’apprentissage, qui plus est en matière d’apprentissage des langues.
Je pourrais encore vous parler des heures durant de la méthode CMD, mais rassurez-vous, je ne le ferai pas. Si vous voulez en apprendre davantage, je vous renvoie directement au site internet.
Le seul défaut que je trouve à cette méthode, c’est qu’elle n’existe pour le moment que pour l’enseignement du Français. Mais ce défaut pourrait bientôt disparaître : la version pour l’enseignement de l’Allemand aux petits Français est prête, il ne lui manque que 200 professeurs intéressés pour partir à l’impression. Alors n’hésitez pas à vous manifester, chers collègues français qui enseignez l’Allemand en France : je porterai votre voix avec grand plaisir !
Si vous enseignez le Français en Allemagne, sachez que Christelle Morisset-Dammann donne de nombreuses conférences partout dans le pays, et qu’elle présente sa méthode formidablement bien, que ce soit en Allemand ou en Français. Mais attention si vous prenez rendez-vous avec elle : la foudre risque de frapper !
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