Blutspende
Ceux qui me connaissent un peu savent que le don de sang est une cause qui m’importe beaucoup ; ceux qui me connaissent davantage savent que je fais régulièrement don de mon plasma à l’EFS. Il allait donc sans dire que j’allais continuer à pratiquer cette « activité » lors de mon séjour en Allemagne. D’ailleurs, dès le stage de Berlin, je m’étais renseignée auprès d’une collègue allemande sur les possibilités de donner son sang ou son plasma en Allemagne. Trois jours après mon arrivée à Kassel, sur le chemin pour me rendre à la Mensa (Restaurant Universitaire) (article à venir) avec un de mes coloc’s, j’avais déjà repéré un Blutspendezentrum (établissement de don de sang) à trois minutes de chez moi.
J’avais alors toutes les informations en main, mais j’ai attendu quelques temps avant de pousser la porte du Blutspendezentrum. Déjà parce que j’avais une échéance sportive quelque semaines plus tard et que je ne voulais ni rater de séance d’entraînement à la suite du don, ni être plus essoufflée que nécessaire le jour J. Et aussi pour deux autres raisons, tout aussi valables.
- La première, très pratique : je voulais attendre d’être suffisamment à l’aise avec la langue allemande pour pouvoir aller donner mon sang ou mon plasma en toute tranquillité. En effet, je ne voulais pas me retrouver comme une illettrée devant le questionnaire préalable au don, ou comprendre la moitié de l’entretien avec le médecin, ou encore passer à côté d’une consigne ou condition importante relative au don qui me mette en danger. J’avais en outre lu sur le site de mon Blutspendezentrum dans les pré-requis au don qu’il fallait que le donneur parle Allemand, et que lui seul pouvait répondre aux questions le concernant ; j’avais alors
cauchemardéimaginé l’espace d’une seconde que si j’y allais, je me ferais recaler pour niveau de langue insuffisant, la honte ! Plus égoïstement, je voulais aussi être en mesure de pouvoir m’exprimer confortablement (et rapidement) si je ne me sentais pas bien lors du don – je n’ai jamais fait de véritable malaise pendant ou après un don, mais, sait-on jamais ! - Seconde raison, plus éthique cette fois-ci : le don de sang est rémunéré en Allemagne (pour ceux qui ne le savent pas, en France, ce don est totalement bénévole, et cela est rappelé sur tous les documents de l’EFS). Les tarifs varient d’un établissement à l’autre, en tout cas, dans mon Blutspendezentrum, le don de sang est rémunéré 20€, le don de plasma, 15€. Cela me posait problème. D’une part parce que pour moi, un don n’attend, par définition, aucune contre-partie, surtout quand il s’agit d’un don de sang. Avec l’introduction d’une contre-partie financière, j’avais l’impression d’être enfermée dans une espèce de contrainte, comme si je perdais de ma liberté dans mon choix de donner ou non. Alors que c’est précisément ce qui me plaît en France dans le don bénévole : si j’ai envie d’aller donner mon plasma tous les quinze jours, j’en ai la possibilité ; si un jour je n’ai ni le temps, ni l’envie, ou encore que je ne me sens pas en forme, libre à moi de ne pas y aller, parce qu’en fait, je ne perds rien à ne pas aller donner, de même que je ne gagne rien en allant donner. D’autre part, être rémunérée pour un service de mon corps me dérangeait : pour moi, cela s’apparente (de loin tout de même) à de la prostitution. Et au-delà de cette idée, je voyais déjà apparaître une autre question : si j’accepte aujourd’hui de recevoir 20€ pour un don de sang (ce qui pour moi est dans l’absolu sur-payé pour le service rendu et/ou le temps passé pour le don), est-ce que je pourrais accepter d’être payée davantage pour un don plus éprouvant (rein, ovocyte, etc.) ?
Bref, pour toutes ces raisons, mon premier don ne s’est pas fait dès mon arrivée en Allemagne. Mais depuis deux semaines, ça y est, je fais désormais partie des donneurs de Kassel ! C’est ainsi que par un beau vendredi de novembre, un de mes coloc’s et moi-même nous sommes rendus au Blutspendezentrum après un bon déjeuner à la Mensa. Et cela s’est très bien passé !
Globalement, pas de différence majeure avec le don en France, alors je vais m’attarder plutôt sur les petites différences. Pour ceux qui ne savent pas comment se passe un don en France, je vous renvoie à cette fiche de l’EFS du Doubs, qui en détaille avec précision les différentes étapes.
Au début, tout se déroule dans la même pièce : une grande salle d’attente qui est dans le même espace que l’accueil du centre, et qui communique avec diverses salles, ainsi que les escaliers pour monter aux salles de dons. La partie avant le don est de loin celle qui a duré le plus longtemps, toutes étapes confondues. Il faut dire que les questionnaires ne se remplissent pas en une fraction de seconde. Il y a tout d’abord le traditionnel questionnaire pré-don, sur une feuille double, qui comporte quasiment les mêmes questions – dans un ordre différent cependant – que celui auquel on répond en France. Je n’ai pas joué au jeu des sept différences, mais j’ai pu noter que le questionnaire ne comportait pas la « question-piège » du questionnaire français (le fameux « Avez-vous lu les informations et questions précédentes ? » qui vient après une série de questions auxquelles vous avez logiquement invariablement répondu par « Non »). Concernant votre vie privée, si les conditions semblent être les mêmes qu’en France concernant les risques de transmission du VIH et autres IST, le questionnaire allemand détaille davantage l’enquête en ayant une question destinée uniquement aux femmes (« Avez-vous déjà eu des rapports sexuels avec un homme bisexuel ? »), et une question destinée uniquement aux hommes (« Avez-vous déjà eu des rapports sexuels avec un homme ? »). J’en ai donc déduit que, comme en France, les hommes homosexuels étaient régis par un régime plus strict quant à la possibilité de donner leur sang. Au-delà des questions de la première copie, une seconde copie double accompagne le premier questionnaire, et traite cette fois-ci uniquement des IST : il y a tout un tas d’explications, et à la fin, se trouve un QCM pour voir si vous êtes au clair sur le sujet des IST, des risques de transmission et de la protection contre celles-ci. Vous pensez en avoir enfin fini avec les questions ? Eh non ! Il reste encore deux feuilles à lire et à remplir : la première est celle que vous signez en France lors de votre entretien avec le médecin (donnant ainsi votre autorisation à traiter votre sang / plasma pour diverses utilisations), la seconde sert à recenser les tatouages et piercings (incluant les boucles d’oreilles) que vous portez.
Quand vous avez (enfin !) terminé les questionnaires, vous devez remettre le dossier à l’accueil, qui ensuite se charge à chaque fois de faire les navettes entre vous et les différentes étapes. Car oui, il n’y a pas qu’une étape entre le questionnaire et le don, mais deux ! La première est un passage chez l’infirmière, qui en trente secondes top chrono vous prend la tension et la température avec un thermomètre laser (pas de prise de température en France), vous demande combien vous pesez et pendant ce temps, vous pique le bout du doigt pour mesurer votre hémoglobine. Si toutes ces données sont satisfaisantes, elle donne son feu vert au secrétariat pour vous donner accès à l’entretien avec le médecin. Vous revoilà encore dans la salle d’attente, et lorsque l’annonce au micro vous appelle : « Frau N. Raum 1 bitte! » (« Madame N. en salle 1 SVP ! »), vous vous rendez chez le médecin. Rien de bien différent par rapport à la France, si ce n’est que ce n’est pas lui qui procède à la prise de tension, déjà prise par l’infirmière, et qu’il revient beaucoup moins sur les questions.
Arrive le don, qui paraît très rapide après les étapes précédentes. Après un temps d’attente à la suite du don, l’infirmière vous autorise à sortir et là… surprise ! Pas de collation ! Pas une seule barre de céréales, ou pâte de fruit, ou autre petit en-cas que l’on vous incite à manger après le don en France. Il y a seulement des boissons en accès libre dans la salle d’attente : machine de boissons chaudes, et bouteilles de cola… ou d’Apfelschorle ! Tout comme mon coloc’ avait anticipé ce que j’allais boire, je suis sûre que vous aussi avez deviné vers quelle boisson mon choix s’est porté 😉 Après quelques minutes d’attente, l’accueil vous appelle une dernière fois pour vous remettre votre carte d’identité et vous pouvez partir.
Qu’est-ce que je retiens de cette première expérience au Blutspendezentrum ?
- Je reviendrai ! Le personnel est aussi attentionné et professionnel que celui que j’ai pu rencontrer dans les différents sites de l’EFS auxquels je me suis rendue. La prochaine fois, je donnerai mon plasma. D’ailleurs, les intervalles pour le don de plasma sont plus resserrés qu’en France : on peut le donner chaque semaine (contre toutes les deux semaines en France). Pour le don de sang, même nombre annuel de dons dans l’un et l’autre des pays : quatre fois par an pour les femmes, et six fois par an pour les hommes, avec un intervalle minimum de deux mois entre deux dons.
- L’absence de l’incontournable collation n’est finalement pas si terrible que cela ! Je ne me suis pas sentie plus faible que lors de mes dons en France, pas de malaise l’après-midi qui a suivi, et exactement vingt-quatre heures plus tard, j’étais de retour à la salle de sport pour mon cours de Zumba Fitness.
- J’ai progressé en Allemand ! De la même manière que j’étais satisfaite d’avoir suivi tout un film en VO au cinéma, cette mise en situation réelle m’a fait plaisir en me faisant constater que j’avais parcouru du chemin depuis mon arrivée ici. Je n’ai eu aucun mal à remplir les questionnaires (mon coloc’ m’a même demandé un éclaircissement pour une réponse sur laquelle il hésitait !), tout comme mes entretiens avec l’infirmière, le médecin ou le personnel du don se sont déroulés sans difficulté. Cela me conforte dans mon envie d’avoir attendu quelques semaines avant d’aller donner mon sang : sans aller jusqu’à la situation d’échec total que j’avais imaginée, je me serais sans doute sentie moins à l’aise, et aurais peut-être moins apprécié ce moment.
Quant à la question de la rémunération, je l’ai également résolue : je ferai don de l’argent récolté à la Fédération Française de Don de Sang Bénévole (FFDSB). Car, aussi paradoxal que cela puisse paraître au premier abord, le don de sang bénévole coûte plus cher à organiser, même si cela se comprend finalement aisément : il faut dépenser de l’argent pour recruter et fidéliser sans cesse de nouveaux donneurs, chose qui est moins nécessaire lorsque le don est rémunéré. J’espère ainsi compenser ma longue absence des sites de l’EFS. Cela dit, rien ne vous empêche, chers lecteurs, d’aller donner votre sang à ma place en attendant mon retour d’Allemagne ! À l’heure où je publie cet article, le blog en est à son 85è visiteur. Admettons qu’il y ait environ 60 visiteurs en capacité de donner leur sang, si chacun allait le donner ne serait-ce qu’une seule fois pendant mon séjour en Allemagne, vous auriez ainsi donné pour l’équivalent de 15 ans de ma carrière de donneuse de sang. Alors, qui se lance ? 😉
Pour tout savoir sur le don de plasma en Allemagne, c’est ici 🙂
[…] l’expérience concluante de mon premier don de sang en Allemagne, j’ai tenté le don de plasma. Et, encore une fois, je valide ! Contrairement à l’article […]
Donneur de sang et également bénévole dans une association cet article est très intéressant, il nous plonge au coeur de la problématique liée au différente conception de l’éthique du don du sang à travers les pays. Je savais que le don de plasma était rémunéré j’ignorais pour le sang total. L’OMS veut promouvoir l’éthique française Il y a encore du boulot!
Par contre la collation ou plutôt son absence confirme que c’est surtout d’une bonne hydratation dont on a besoin après avoir donné, mais la kulture française. ….
Merci pour votre commentaire ! Et pour l’absence de collation, je vous rejoins totalement !
[…] en euros de 350 millilitres de mon plasma. Je ne me suis toujours pas accoutumée au fait que le don de sang ou de plasma était rémunéré en Allemagne. Mais j’ai tout de même continué de donner, […]