Avec un coloc’ qui ne boit pas une goutte d’alcool, et l’autre qui, en jeune étudiant, tient plus au prix qu’à la qualité de ce qu’il consomme, je suis devenue malgré moi la référence en matière de vin dans notre WG (abréviation de Wohnungsgemeinschaft, colocation). Et puis je suis Française… On nous avait prévenus dès le premier séminaire de l’échange : en tant que Français en Allemagne, ou Allemand en France, on deviendrait de véritables ambassadeurs. Ambassadeurs d’un pays, d’une région et d’une langue… et de clichés. Heureusement que dans le domaine du vin, je donne plutôt bien le change. Mes connaissances ont néanmoins des limites : je ne suis pas non plus une oenologue confirmée, capable d’analyser le moindre vin. Encore moins en ne regardant que l’étiquette de la bouteille.
Pourtant, le mois dernier, mon coloc’ m’a soumise à cet exercice lorsque nous avons fait les courses au supermarché pour sa soirée d’anniversaire. Lors du passage au rayon boissons, j’ai été en charge de choisir le vin. J’avais intérêt à bien choisir : je savais très bien que le vin ne serait pas bu le soir même, que les convives lui préféreraient la bière, et que par conséquent je devrais bien me dévouer lors d’une prochaine soirée pour le boire. Hors de question donc de tomber sur de la piquette. Déjà qu’en France, je trouve assez difficile de choisir du vin en supermarché, en Allemagne la tâche se complique avec tous les pièges à éviter : le Weinschorle (du vin coupé avec de l’eau gazeuse) ; les vins trop peu chers pour être de bons vins ; au contraire, ceux manifestement trop chers parce qu’ils sont français, mais pas forcément de qualité ; les vins aux étiquettes allemandes dont on se demande s’ils sont des vins de provenance douteuse ou bien d’excellents vins français qui s’exportent tellement bien que le viticulteur a investi dans une traduction allemande. J’ai fini par arrêter mon choix sur un vin rouge français quelconque, le plus récent et le plus neutre possible. C’était ma stratégie pour éviter les mauvaises surprises. Et comme j’aime le risque (mais également parce que j’en avais assez de scruter le rayon vin dans tous les sens), lorsque mon coloc’ m’a demandé quelle deuxième bouteille on prenait, j’ai répondu que l’on prenait la même. J’ai assuré que c’était un bon vin (et comme il ne le goûterait jamais, je pouvais bien raconter ce que je voulais).
Ce que j’avais prévu arriva : aucune des deux bouteilles ne fut ouverte pendant la soirée. La semaine d’après, lorsque mes collègues francfortoises sont venues me rendre visite, nous avons ouvert la première bouteille, et nous l’avons bien appréciée. Quelques jours plus tard, en faisant des recherches sur ce vin, je me suis rendu compte que j’avais choisi un AOC Bordeaux supérieur. On est loin du Haut-Médoc ou du Saint-Émilion, mais je vous assure que j’aurais pu tomber sur largement pire. Comme quoi, les clichés disent vrai : il faut toujours demander à la Française de choisir le vin.

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