Malgré son titre, l’article qui suit n’est pas un débat sur le sujet : je voudrais simplement dresser un portrait des rythmes scolaires en Allemagne et en France, sans prendre position pour l’un ou l’autre des systèmes. D’ailleurs, pour clore toute tentative de discussion, retenez que la France, lorsqu’elle a effectué sa grande réforme des rythmes scolaires (rentrée 2013 pour l’académie de Paris et quelques autres villes « pilotes » ; rentrée 2014 pour les autres académies), s’était inspirée en partie du modèle allemand. Depuis quelques années, l’Allemagne prend exemple sur nos anciens rythmes scolaires pour essayer de les adapter à son système éducatif. Comme quoi : l’herbe paraît toujours plus verte ailleurs…

Si vous avez quitté l’école depuis quelques années, et si vous n’avez pas d’enfants, voici un petit rappel d’une semaine-type à l’école française.
Les élèves ont école tous les jours du lundi au vendredi. Le mercredi, seule la matinée est travaillée. Certaines écoles (2,58% selon les statistiques du Ministère de l’Éducation Nationale (MEN pour les intimes)) font quant à elle classe le samedi matin, à la place du mercredi matin. En tout, les élèves ont 24 heures de cours dans la semaine, réparties sur 9 demi-journées. Ce qui fait 9 demi-journées de 2h45 en moyenne chacune. En tout cas, selon la loi, la demi-journée ne peut excéder 3h30. Voilà pour la théorie.
En réalité, les choses ne sont pas aussi simples : chaque commune fait comme elle veut (ou peut). Aussi, certaines communes, bénéficiant d’une dérogation, ont choisi de répartir les 24 heures sur 8 demi-journées. Cela concerne 7% des écoles (toujours selon le MEN), et dans ces 7%, presque 100% des écoles ont choisi de libérer le vendredi après-midi. Quant à la répartition des 24 heures de classe sur les 8 ou 9 demi-journées, tout dépend de la commune. Certaines municipalités ont choisi la régularité : chaque demi-journée a le même nombre d’heures (soit 2h45 ou 3h). D’autres ont préféré instituer des matinées de 3h30, pour alléger les après-midis. D’autres encores alternent selon les demi-journées entre journée « longue » (2 fois 3h de cours) et journée « courte » (3h le matin, 1h30 l’après-midi). Lorsque la demi-journée est « longue » (plus d’1h30), une récréation la coupe en deux. La durée de cette dernière est d’environ 15-20 minutes.
En-dehors des heures de cours, les élèves sont pris en charge par l’équipe périscolaire de l’école, appelée également – parfois à juste titre, parfois très injustement – « garderie ». Là encore, tout varie d’une commune à l’autre, mais généralement, l’école propose un accueil dès 7h30, et peut garder les enfants jusqu’à 18h30. Quant aux activités périscolaires, gros mot de la réforme qui se décline en presque autant d’acronymes que de communes (ARE (Activités Récréatives Éducatives) ; NAP (Nouvelles Activités Périscolaires) ; TAP (Temps d’Activité Périscolaire) ; etc.), celles-ci ne sont pas obligatoires, mais peuvent seulement être proposées.

En Allemagne, le soleil se lève plus tôt, et les Allemands également. L’école ouvre ses portes dès 7h30 pour un accueil des élèves dans les classes. Ce moment est l’occasion pour eux de jouer dans la classe, d’arriver de manière échelonnée, et pour leurs parents éventuellement de s’entretenir rapidement avec l’enseignant(e). Finalement, cela fonctionne un peu comme l’accueil du matin en maternelle en France. À 8h, les cours commencent.
Les emplois du temps fonctionnent par blocs d’heures de cours. Les écoliers ont au maximum 6 heures de cours dans une journée ; dans les petites classes (notamment en 1. Klasse (Erste Klasse, soit la Première classe, équivalent du CP)), il est fréquent que leur journée de classe s’arrête au bout de la 4è ou de la 5è heure. Toutes les deux heures, il y a une pause. Soit deux pauses dans la journée : l’une à l’issue de la 2è heure, assez conséquente (au moins 30 minutes) car elle combine la Frühstückspause (pause petit-déjeuner) et la Hofpause (littéralement : « pause de cour », c’est-à-dire la récréation) ; l’autre, à l’issue de la 4è heure, d’une durée de 15 minutes. À l’issue de la 6è heure, la journée d’école est terminée. Il est généralement 13h30. Quoi ? 13h30 seulement ? Eh oui ! Vous n’êtes pas devenus soudainement mauvais en calcul, j’avais simplement oublié de vous donner un élément pour calculer correctement : en Allemagne, quand on parle d’heure (Stunde) de cours, on parle d’un bloc de trois-quarts d’heures.
Autrefois – enfin, un autrefois qui n’était pas si archaïque que cela, disons une dizaine d’année – l’école était véritablement terminée à 13h30. Ni cantine, ni centre de loisirs. Depuis quelques temps, a émergé le principe de la Ganztag Schule (école accueillant les élèves toute la journée). Les horaires de cours restent les mêmes, simplement, à partir de 13h30, l’équipe de la Betreuung (garderie périscolaire) prend le relais. Les élèves déjeunent à la Mensa (cantine), puis vont à la Betreuung, et participent certains jours à des AG, ancêtres allemands des ateliers périscolaires français. Généralement, la Betreuung prend en charge les élèves jusqu’à 17h. Mais c’est un grand maximum : la plupart du temps, les enfants quittent l’école entre 15 et 16h. Et quelques rares encore, dès la fin de la matinée de cours.

Donc en fait, pour revenir à la différence entre l’heure de cours française et la Stunde allemande, quand on dit qu’un(e) GrundschullehrerIn (professeur(e) des écoles) à temps complet a 28h devant élèves à l’école, il(elle) en a en réalité 28 fois trois-quart d’heures (et est payé au moins une fois et demi – si ce n’est deux fois – plus que son homologue français… non ce n’est pas une blague). Pour ceux qui sont déjà en train de se lever pour manifester après avoir fait le calcul, n’oubliez pas d’ajouter les surveillances de récréation (non comprises dans ce calcul, contrairement au service français), les heures de réunion (oui je sais, cela n’est pas non plus compris dans le service français, mais quand je vois le nombre de réunions ici, les 108 heures que je dois annuellement en France me paraissent bien petites), moins de vacances (en moyenne une dizaine de semaines par année scolaire), et un statut de Beamte/In (fonctionnaire) beaucoup plus compliqué à obtenir… Bref, l’herbe paraît toujours plus verte ailleurs !

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