En France, j’utilisais systématiquement ma carte bleue : pour les achats sur internet bien sûr, mais aussi pour toutes les dépenses du quotidien, aussi minimes soient-elles. Il pouvait arriver que je sois bloquée par des plafonds minimaux de paiement par carte bleue, mais généralement, l’arrangement se trouvait facilement : à la boulangerie, il suffit d’ajouter un dessert ou une boisson pour payer son sandwich par carte bleue ; dans la plupart des bars parisiens, le tarif des consommations est tel que le deuxième cocktail permet d’abandonner le paiement en espèces. Rien de dérangeant donc à payer systématiquement par carte bleue. Au contraire : un dessert ou un cocktail supplémentaire ne se refuse jamais !
Quand je me suis rendue à Berlin au mois d’août, je savais que j’allais devoir convertir ma carte bleue en espèces (et me convertir aux espèces). Les Allemands paient tout en liquide, du pain au chocolat (à 15 cents bien sûr, les tarifs sont les mêmes qu’en France) aux achats plus conséquents : rien de plus normal pour eux que de payer leur dernier robot ménager ou leur moto par coupures de 500€. Le billet de 500€ d’ailleurs, ce sont les Allemands qui l’ont voulu au moment du passage à la monnaie unique européenne, en remplacement de leur ancien billet de 1000 Deutsche Marks ; ce sont eux encore qui ont pleuré l’annonce de la mort du billet violet, et redoutent déjà la fin prévue de sa mise en circulation en 2018.
Berlin a été un véritable exercice pour moi : retirer plusieurs billets au distributeur, pour moi qui n’avais jamais eu plus de 10 ou 20€ dans mon porte-monnaie, c’était un premier changement à intégrer. Et puis comme dans toute phase d’exercice, il y a eu des moments où j’ai échoué, où j’avais mal anticipé mes passages à la borne de retrait. Alors le soir venu, quand je voyais que ma consommation allait bientôt dépasser le solde de mon porte-monnaie, deux options s’offraient à moi : choisir l’arrangement inverse de Paris (renoncer au dessert ou au dernier verre pour ne pas dépasser le plafond du porte-monnaie), ou passer pour une touriste. Bien souvent, la gourmandise (ou la convivialité) me faisait délaisser la première option au profit de la seconde. Tant pis pour l’étiquette de touriste, car après tout, je l’étais véritablement à Berlin. Alors c’est sans hésiter que je demandais au moment de l’addition, toute fière de connaître la question magique : « Nehmen Sie VISA Karte? » (« Est-ce que vous prenez la carte VISA ? »). Et, comme Berlin est une capitale très touristique, la réponse était bien souvent positive.
Je m’étais promis de ne jamais passer pour une touriste à Kassel, en tout cas, pas à cause de ma VISA Karte. Mais il m’est arrivé d’échouer. Deux fois. Avec un échec sauvé de justesse entre les deux. Plus assez d’argent dans le porte-monnaie par rapport à la somme à payer. Et obligée de poser la fatidique question : « Nehmen Sie VISA Karte ?« . Avec moins de fierté qu’à Berlin, parce qu’ici, je déteste que l’on me prenne pour une touriste. Et avec moins d’assurance aussi, parce que je sais que je risque une réponse négative : la carte VISA n’est pas systématiquement acceptée.

Désormais, ça y est, je jongle adroitement entre mes comptes, les retraits et les achats, pour ne jamais devoir sortir la carte bleue. Mais j’ai découvert un autre problème entre temps : les rares fois où ils ne peuvent pas payer en liquide, les Allemands utilisent leur Kreditkarte (carte de crédit). Au contraire, les Français utilisent très majoritairement une carte de débit, même si par abus de langage, on l’appelle souvent carte de crédit. Bien sûr, un lecteur de Kreditkarte ne peut prendre en charge une carte de débit, ça serait trop simple sinon. (N.D.L.R. : la carte de crédit permet de payer à l’aide d’une somme rechargée sur la carte, c’est en fait un porte-monnaie électronique, un peu comme nos anciennes cartes Moneo, tandis que la carte de débit prélève l’argent directement sur le compte auquel elle est rattachée)
Quand il s’agit de payer sa place de cinéma, le problème est plus embêtant qu’insolvable : on délaisse les bornes de commande pour faire la queue au guichet « humain », et on peut finalement obtenir sa place. Mais quand il s’agit de souscrire à un abonnement mensuel à la salle de sport, et qu’il n’y a aucune autre possibilité que le paiement par Kreditkarte, le problème est plus embêtant. Et pour moi, il s’est posé mi-septembre. J’ai proposé le paiement en liquide ; pas possible, même si je payais l’intégralité de mon année d’abonnement. J’ai proposé mon RIB, et une demande d’autorisation de prélèvement mensuel auprès de ma banque ; pas possible, surtout avec une banque hors Allemagne ! Moi qui avais décidé de ne pas ouvrir de compte en Allemagne, je commençais à trouver dommage de revenir sur ma décision pour 18,90€ par mois.
Heureusement, mon coloc’ s’est proposé d’être le payeur de mon contrat. Depuis, tous les mois, je lui rembourse mon abonnement… en liquide bien sûr !

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