La semaine dernière a été riche en émotions : j’ai dit au revoir à mes deux écoles. Eh oui, en Hesse, l’année scolaire s’est terminée vendredi dernier… et les élèves reviendront à l’école le 14 août (et mes collègues, dès le 7 pour leur semaine de pré-rentrée). En Allemagne, les Länder sont en vacances de manière échelonnée, pour une durée de six semaines. Pour les participants français au Programme Élysée Prim, il y a donc une part de « loterie » s’agissant de l’agencement des grandes vacances : certains peuvent commencer leur année dès début août (mais dans ce cas, finiront tôt en juin et auront une longue période de vacances avant le retour en France), quand certains ne démarrent que fin septembre (et dans ce cas, n’auront qu’un petit mois de vacances avant de reprendre en France). C’est entre autres pour cela que l’affectation administrative de l’année d’échange commence le 1er août et s’achève le 31 juillet de l’année suivante. Pour ma part, j’ai eu la chance de tomber l’année du décalage des vacances en Hesse (car, même si les vacances d’été peuvent s’étaler de juin à septembre, arrive un moment où, à force de décaler la période de six semaines, les vacances tomberaient hors de mois d’été), si bien que j’ai eu ma réunion de pré-rentrée fin août 2016, une semaine avant mes collègues de France, et ai terminé tout pile une semaine avant. Niveau vacances d’été, je n’ai donc été ni perdante, ni gagnante !

Le temps des Abschiede (« aux revoirs ») est donc venu, et chaque action de la semaine passée (ou presque) a été Abschied-quelque chose.
En réalité, j’ai commencé dès le vendredi d’avant, car la moitié de mon école principale partait en Klassenfahrt (classe de découverte) pour la dernière semaine d’école. J’ai donc commencé l’Abschiedstour (tournée d’au revoir) pour la moitié de l’école en passant dans chaque classe avec mes Abschiedsgeschenke (cadeaux d’au revoir) : pour les élèves, des bonbons typiquement français (ceux au caramel avec une blague à l’intérieur), et pour les enseignantes, un pot miniature d’une confiture au couvercle quadrillé de rouge et blanc accompagné d’une petite carte. Je n’avais pas révisé le nom des fruits en -beere et ai donc dû répondre de manière spontanée lorsque certaines collègues m’ont demandé de traduire la saveur de leur confiture… mais je m’en suis finalement bien sortie (ou peut-être ne suis-je tombée que sur des fruits que je connaissais !). Le lundi, seconde partie de l’Abschiedstour dans l’autre moitié des classes.

Le mardi, j’étais dans mon école secondaire. Le matin, comme chaque mardi depuis septembre, j’étais avec ma 1. Klasse que j’aide en Kunst (Arts Visuels). Ma collègue allemande a commencé le cours de manière très solennelle : elle m’a annoncé qu’aujourd’hui, la Klasse 1a prenait congé de moi, et que pour l’occasion, les élèves avaient préparé quelque chose. Un élève s’est ainsi levé, et, au nom de tous ses camarades, a récité un discours avec une application sans doute à la hauteur du temps passé à sa préparation collective :
« Chère Madame N.,
Toute la Klasse 1a souhaite vous remercier de l’avoir accompagnée en Kunst cette année. Merci de nous avoir aidés à découper, coller, peindre, colorier, nettoyer, ranger, d’avoir préparé les patrons de nos bricolages, et d’avoir accroché nos oeuvres d’art. Vous êtes une professeur vraiment « géniale » (en VO : toll, ça rend moins bien en VF) et très gentille. Nous vous souhaitons un bon retour en France. »
Puis quelques élèves, qui avaient préparé des dessins et/ou des petits mots, se sont levés et me les ont remis. L’enseignante a ensuite donné la parole à quelques élèves qui souhaitaient compléter le discours collectif.
Je me suis enfin vu remettre un paquet de chocolats en guise de remerciements (l’enseignante a trouvé cela amusant d’offrir à une collègue française les fameux chocolats de la marque « Merci »)… à défaut d’apprécier le chocolat (que je ramènerai à la maison), j’ai été très touchée par le geste, et par toute cette Abschiedsceremonie (cérémonie d’au revoir). Ma collègue a également eu droit à sa mini-confiture.

Le lendemain après-midi, mercredi après-midi donc, est arrivé ma dernière après-midi à la Betreuung (garderie périscolaire) dans cette même école. Trois de mes collègues ont profité d’un moment de répit entre deux rangements de salle et surveillance de cour pour me remettre une jolie carte illustrée d’un « Danke » (« Merci »), assortie de remerciements oraux et accompagnée d’un bon d’achat valable chez Thalia, une chaîne de librairies allemande. Un cadeau qui tombe à point nommé, moi qui comptais me procurer la suite de Germania.
En quittant l’école, telle une femme d’affaires, je me suis rendue directement à Francfort pour la soirée, pour une dienstliche Veranstaltung (réunion d’affaires) avec mes collègues français qui ont enseigné en Hesse cette année, nos deux référents pour l’enseignement du Français, et une collègue allemande enseignant le Français à Francfort… un nom bien officiel quand on sait que notre lieu de convocation était un restaurant typique francfortois (le Fichtekränzi, une adresse que je recommande aux Francfortois !). Il s’agissait là également d’Abschied pour une autre collègue française et moi-même (nos trois autres collègues français enseignant en Hesse cette année restent quant à eux – les chanceux ! – une année supplémentaire en Allemagne). Après la commande de nos plats – typiquement francfortois – l’un de nos conseillers pédagogiques nous a chaleureusement remerciées pour notre travail dans le Land cette année, et nous a remis un cadeau lui aussi typiquement francfortois : un kit de graines pour planter les sept herbes typiques de la Grüne Soße. Ce cadeau ne pouvait pas mieux tomber : je comptais me procurer ce kit avant mon retour en France… mais ne l’avais pas encore acheté, tant mieux ! J’attends avec impatience le printemps prochain pour réaliser ma propre Grüne Soße.

Jeudi, malgré la journée bien remplie de la veille, pas de répit ! Retour dans mon école principale. En fin de matinée a eu lieu la Monatsfeier (une fête qui a lieu chaque jeudi avant les vacances au cours de laquelle les élèves présentent devant les parents certaines de leurs productions de la période passée : pièce de théâtre, chanson, sport, etc.). Lors de la mise en place de l’événement, l’enseignante de musique, avec qui j’avais notamment travaillé lors de la Projektwoche, m’a prise à part et m’a remis un cadeau. En l’ouvrant plus tard, je découvrirai, en plus du mot très touchant écrit sur le papier cadeau, une pochette avec une citation d’Einstein : « Wenn eine Idee nicht zuerst absurd erscheint, taugt sie nichts. » (« Une idée ne vaut rien si elle ne paraît pas d’abord absurde. »).
Pour la dernière Montasfeier de l’année, j’avais inscrit mes petits élèves d’AG (1. et 2. Klasse – donc CP et CE1) pour chanter une chanson qu’ils avaient choisi d’apprendre cette année : « On écrit sur les murs » des Kids Uniteds – un tube en Allemagne. Plus qu’émue, j’ai été véritablement fière de leur performance. Lorsqu’ils se sont installés, ils se sont placés encore mieux que dans mes rêves : deux rangs d’élèves parfaitement alignés, en posture de « chanteurs », et le visage concentré, ignorant parfaitement les flashs et smartphones des parents rivés sur eux contre lesquels je les avais mis en garde. La mascotte de l’AG était accrochée au fond du gymnase (nous avions convenu en répétition que pour les inciter à lever la tête et ne pas chanter pour leurs pieds, ils devraient la regarder, et qu’elle pourrait les aider pour les paroles – ils y ont cru), ils ne l’ont pas lâchée du regard, et ont chanté plein d’entrain, amenant même le public à frapper des mains au rythme du dernier refrain.
À la fin de la Monatsfeier est venue le temps de l’Abschiedsceremonie pour les 4. Klasse. En Allemagne, l’école primaire s’arrête à la 4. Klasse, et cette étape n’est pas anodine pour les élèves, car leurs chemins se séparent véritablement : certains s’en iront au Gymnasium (collège et lycée, menant jusqu’à l’équivalent du baccalauréat), d’autres à la Realschule ou encore à la Hauptschule (sortes de collèges menant à ce qui correspondrait en France à des filières d’apprentissage et/ou professionnelles). La fin de la 4. Klasse est également loin d’être anodine pour l’enseignant qui, bien souvent, a suivi sa classe pendant quatre années. Oui, quatre ans, vous avez bien lu. L’émotion est donc, de manière prévisible, au rendez-vous. Chaque enseignante a appelé sur scène les élèves qui la quittaient et a prononcé un petit discours. C’est à ce moment-là que j’ai compris l’utilité des paquets de mouchoirs que la directrice avait apportés en coulisses lors de l’installation de la Monatsfeier. Chaque élève a reçu une fleur et une carte personnalisée avec une photo de sa cérémonie d’Einschulung (rentrée des classes) et une datant du tout récent Klassenfahrt.
La directrice a ensuite pris la parole, et annoncé que l’école devait aussi, comme chaque année, dire au revoir à certains adultes de l’école, en l’occurrence deux cette année. C’est ainsi que j’ai été appelée sur scène, que je me suis vu remettre une fleur, sous les applaudissements de tout le public et les remerciements chaleureux de la directrice. Cette dernière, sincèrement émue, a déclaré que l’école avait de la chance d’avoir connu une professeur qui avait apporté un petit morceau de France en Allemagne et transmis avec enthousiasme sa langue maternelle aux élèves.
Le soir, j’étais de retour à l’école pour la Sommerfest (fête de l’été) entre collègues, qui marquait la fin de l’année scolaire. Comme tous les événements de l’école entre collègues, il est intéressant de noter que tous les adultes de l’école étaient présents, sans distinction aucune entre équipe enseignante et équipe péri-scolaire. Avant de passer au dîner, la directrice a introduit la Sommerfest par un petit discours pour remercier son équipe d’avoir été là cette année, et nous a présenté les Wunschballons, des ballons de baudruche que nous avons lâchés à la fin des discours pour réaliser les voeux de l’école. Quittant l’école, j’ai eu le privilège de faire partie des collègues choisis pour porter un ballon. Puis elle a laissé la parole à certaines collègues qui étaient en charge des remerciements particuliers. C’est ainsi que le Hausmeister (« gardien »), l’équipe de ménage, la direction de l’école (scolaire et péri-scolaire) ont eu leurs cadeaux de fin d’année. J’ai eu droit moi aussi à mes remerciements personnalisés lors d’un discours dont je retiendrai que je me suis fait qualifier de « sehr sehr sehr sehr sehr sehr liebe Kollegin » (collègue très très très très très très adorable). Et, là encore, je me suis vu remettre une boîte de chocolats de la marque « Merci ».

Pour clore cette Abschiedswoche, j’avais planifié mon Abschiedsparty (fête d’au revoir) le vendredi soir. Même s’il me reste encore quelques jours ici, fin d’année scolaire oblige, je devais anticiper les départs en vacances de mes collègues. À quinze minutes du début, la sonnerie a retenti. J’ai cru à une sur-ponctualité allemande, mais il s’agissait de la propriétaire, qui, de passage dans le quartier, était venue me souhaiter un bon retour en France.
Heureusement que l’immeuble n’est composé que de colocations, car vendredi soir, deux soirées avaient lieu en parallèle : une voisine du 2è étage fêtait la fin de sa licence. J’ai d’abord cru (pour rire) à une concurrence de sa part puisque ce n’est que le jour même qu’elle avait affiché un mot dans la cage d’escalier, à côté du mien, qui était en place depuis une semaine. En réalité, non : le mot mentionnait ma soirée, et, lorsque je me suis éclipsée de ma propre soirée pour me rendre deux étages plus bas, j’ai vu qu’une petite pancarte indiquait la direction de ma soirée pour les voisins qui ne s’y seraient pas encore rendus. Avant que je ne descende, les voisins du 2è sont d’ailleurs montés me rendre visite, ceux du 3è également. Autrement, nombre de mes invités étaient présents, et ont honoré le buffet (français) que j’avais préparé. J’ai encore eu les bras chargés de cadeaux culinaires : une boîte de chocolats (dont je garderai surtout la bougie-coccinelle qui l’orne et est censée me porter bonheur), de la Ahle Wurst (une saucisse/saucisson typique de la région), et trois bouteilles… de vin de Bordeaux (un rosé, un blanc et un rouge). Je verrai bien si les Allemands choisissent le vin aussi bien que moi !
Lorsque mes invités sont peu à peu partis, la soirée s’est poursuivie avec les derniers fêtards au 2è étage, où la fête battait encore son plein. Puis là aussi, chacun est reparti chez soi, même l’hôtesse de la soirée est partie se coucher, mais ses deux colocataires étaient encore bien vaillants, et déterminés à faire encore la fête. C’est ainsi que nous sommes partis au Lolita Bar, un bar à deux pas de chez nous connu pour sa Lolita Bier, et dont nous avons fait la fermeture. En parfaits gentlemen (ou serait-ce plutôt parce que nous habitons au même endroit ?), mes voisins du 2è m’ont enfin escortée jusqu’à mon immeuble.
Fin d’une Abschiedswoche (semaine d’au revoir) bien remplie !

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