WordPress m’a souhaité il y a quelques jours un joyeux blog’anniversaire. Voilà un argument qui m’a décidée à rompre enfin le silence bloguesque dans lequel je m’étais – involontairement et faute de temps – plongée. Me voilà donc de retour*, et sans transition, j’exhume de mes brouillons d’articles un sujet d’école. Malheureusement, je n’avais pas eu le temps de le mettre en forme pour coller à l’actualité de mes collègues enseignant en France, mais peut-être est-ce mieux finalement.

Vers la fin de l’année scolaire, un phénomène étrange touche bon nombre d’écoles françaises. Si vous êtes enseignant, peut-être me répondrez-vous que j’exagère, mais je peux vous assurer que ma courte-mais-fractionnée-donc-démultipliée expérience en matière de fins d’années scolaires ne m’a jusqu’à présent pas permis de trouver un quelconque contre-exemple. Aux livrets, concerts, kermesses, projets et sorties de fin d’année, s’ajoute une donnée bien plus terrible pour les enseignants titulaires de l’école, à savoir comment seront (ré)attribuées les classes pour l’année scolaire suivante.
Le problème se résout généralement facilement lorsque la structure de l’école demeure intacte d’une année à l’autre, et que l’équipe desdits titulaires reste également en place. Les problèmes surgissent quant à eux lorsque l’un des paramètres est modifié. Commence alors un véritable jeu de stratégie où chacun place ses pions pour parvenir à ses fins. Il y a les stratèges discrets mais bien souvent sournois, qui, l’air de ne pas se plonger dans la bataille, maitrisent l’art de la persuasion à merveille. Il y a au contraire les grands mais piètres orateurs, qui misent sur leur (piètre) talent lors d’un plaidoyer en leur faveur lors d’une réunion plénière. Puis il y a les bonnes poires qui finissent par accepter l’arrangement salvateur, qui perdent leurs plumes dans la bataille mais gardent des rancunes qui rejailliront un jour ou l’autre.
Et il y a enfin les nouveaux, ceux qui n’assistent pas à la bataille, mais qui débarqueront en septembre et récolteront les miettes dont personne n’aura voulu.

La première bataille est à peine terminée que les offensives pour la seconde sont déjà lancées : le temps de la répartition des élèves a démarré. Là encore, qui n’est pas stratège ne se verra pas satisfait. Car les données sont encore plus complexes que lors de la première bataille.

Voyons voir si outre-Rhin d’autres stratégies sont employées. Sans suspens, la réponse est positive.
Pendant les quatre années d’école primaire, les écoliers allemands ont le même professeur. Ou le professeur a les mêmes élèves, question de point de vue. L’objet du débat aujourd’hui n’est pas de déterminer si cela est bon ou non, en tout cas, voilà qui coupe court à toute possibilité de bataille. Et qui change radicalement les ambiances d’écoles en fin d’année scolaire !
Je dirais presque que les batailles de répartitions de classes m’ont manqué l’année dernière, tellement l’observation du phénomène est aussi amusante qu’édifiante lorsque l’on n’est que spectateur des batailles. Amusante quand les collègues en viennent à laver leur linge sale en présence du conseiller pédagogique convoqué justement parce que la répartition des classes pose problème depuis des semaines – lequel conseiller pédagogique (sou)rit à ce phénomène qu’il dit observer régulièrement chaque fin d’année scolaire. Et édifiante lorsque l’on voit des équipes se dessouder, des amitiés voler en éclats et des pratiques de répartitions peu éthiques. Parfois, l’observation du phénomène permet de comprendre rétroactivement comment les miettes dont on a hérité en septembre dernier ont été composées, et de saisir les rapports humains complexes qui lient nos collègues de l’année qui vient de s’écouler. Le sujet « répartition des classes » arrive d’ailleurs systématiquement dans le top 3 des sujets préférés de la collègue pipelette ; interrogez-là, elle vous livrera l’historique des archives des répartitions de classe, ravie de raconter à une nouvelle oreille ces feuilletons qui ont marqué l’école.

Finalement, heureusement que je n’avais pas eu le temps de publier cet article au mois de juin dernier, parce que je pense avoir trouvé une exception qui confirme la règle et modère ainsi mes propos. J’ai été cette année parachutée tardivement dans une nouvelle école par un heureux hasard de circonstances. Restait l’inconnue des miettes qui m’auraient été mises de côté, étant encore plus nouvelle que la dernière enseignante arrivée dans l’école.
Certes, je n’ai pas eu le choix du niveau de classe, mais à choisir aujourd’hui, je prendrais le même. Je n’ai pas non plus assisté à la répartition des élèves, mais à voir ma classe je suis certaine qu’elle a été faite avec intelligence et bienveillance. Rien que pour cela, je pourrais dire que mes collègues m’ont bien accueillie.
Rendez-vous en juin, mais il est fort à parier que mon école de cette année deviendra mon contre-exemple.

*je préfère décevoir mes lecteurs assidus d’emblée : la fréquence de mes articles sera bien moins élevée – involontairement et faute de temps – que l’année dernière.

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