Programme Élysée Prim : le témoignage de MGS

Parmi les premières à répondre à mon appel à témoignages, MGS s’est montrée enthousiasmée à l’idée de partager son expérience. Près de deux heures de conversation plus tard, je peux confirmer son enthousiasme à témoigner de son expérience de vie à l’étranger, et plus particulièrement de Berlin. Impossible de compiler tous les sujets abordés lors de notre entrevue ; j’en garde certains en tête (comme les présidentielles, le rapport des Allemands à l’Histoire et l’influence encore actuelle de l’ancien clivage est/ouest berlinois) et vous retranscris ce qui concerne plus directement l’expérience de MGS dans sa participation au Programme Élysée Prim… et même au-delà puisque prolongations il y a eu.

C’est une visite chez son frère, qui a vécu aux États-Unis, puis un échange Erasmus en Suède pendant ses années d’IUFM qui lui ont donné le goût de la mobilité. Trois années d’enseignement plus tard, ses envies d’ailleurs se concrétisent. L’Allemagne arrive un peu par hasard : au détour d’une conversation privée avec une collègue, MGS apprend l’existence du Programme Élysée Prim et décide d’y postuler. Sa candidature n’est qu’une formalité (étant donné que son département ne connaissait pas l’existence de l’échange), et la voilà initialement affectée à Berlin. Au cours du premier séminaire de l’échange, elle troque Berlin contre Potsdam (NDLR : dans le Land voisin de Berlin, à une quarantaine de kilomètres de la capitale allemande), où son conjoint a également un travail.
De ses deux années de participation à l’échange, ce n’est finalement pas tant l’expérience professionnelle mais plutôt sa vie personnelle qui l’a marquée. En vrac : un accueil chaleureux des voisins qui organisent une soirée de bienvenue une semaine après leur arrivée, la rencontre d’un couple allemand qui avait vécu en France, la simplicité des contacts avec la musique qui lui a permis de reprendre le violon, et des matchs de foot partagés avec le voisinage (elle qui pourtant ne regarde pas le football en France, a apprécié ces moments de convivialité sportifs, qu’elle qualifie de fédérateurs pour l’Allemagne et les Allemands).

Au bout de deux ans, il était impensable pour MGS de rentrer en France. C’est ainsi que, prenant une disponibilité vis-à-vis de la France, elle postule dans différentes écoles à Berlin. C’est finalement dans une SESB (staatliche Europa-Schule Berlin – école européenne berlinoise) du nord de Berlin qu’elle obtient un poste. Là, dans sa SESB, elle a l’impression de retrouver un peu l’esprit du métier qu’elle exerçait en France.
MGS évoque avec une certaine nostalgie son travail dans son école, dont elle dit volontiers qu’il s’agit des deux plus belles années de sa carrière. Elle regretterait presque d’ailleurs de ne pas s’être mise en quête d’un poste à Berlin dès la fin de sa première année de participation à l’échange. Malgré les dysfonctionnements internes, finalement inhérents au fonctionnement d’une école européenne (par exemple le fait que les élèves soient toujours « cartable sur le dos » et changent sans cesse d’enseignant), elle a beaucoup apprécié se trouver sans cesse dans le compromis entre les deux systèmes éducatifs allemand et français.
Le rêve a été de courte durée : au bout d’un an, son conjoint obtient un poste… en France. Elle obtient un sursis berlinois d’un an. Mais au bout de cette nouvelle année scolaire, MGS sait qu’elle est obligée de rentrer. L’abandon de son CDI en Allemagne au bout de deux ans est donc totalement subi et non voulu. Il paraît qu’à partir de cinq années de vie dans un pays, le retour dans son pays d’origine ne se conçoit plus ; MGS, qui en était à quatre années consécutives de vie en Allemagne, confirme presque cette supposition, considérant qu’elle se situait à la limite du délai.

Le retour en France est aussi abrupt que non désiré. Affectée dans une petite école de campagne, où ses collègues n’ont pas vraiment connu d’ailleurs, MGS trouve le retour difficile. Une école en ville avec davantage de mixité l’aurait sans doute davantage aidée à faire une transition plus douce avec son ancienne vie berlinoise. Avec le recul, elle se rend compte que la situation n’était facile ni pour elle, ni pour ses collègues, qui se sont retrouvées bousculées par son arrivée. Ironie du sort, alors que sa hiérarchie lui demandait deux ans auparavant de rentrer en France pour y enseigner l’Allemand, voilà qu’aucune opportunité ne se présente à elle, malgré le fait qu’elle se soit manifesté auprès des inspections. MGS se voit empêchée de passer l’habilitation en Allemand, et se sent frustrée de ne pas transmettre la culture allemande, qui est désormais sa seconde culture. Le sujet est sensible et lui tient tellement à coeur qu’elle a d’ailleurs écrit une lettre à la ministre de l’époque, manifestant son incompréhension entre les discours politiques lors de la journée franco-allemande vantant les liens entre les deux pays et la suppression, voire l’inexistence, de l’enseignement de l’Allemand sur le terrain. Lettre restée sans réponse.
Au bout de deux ans, MGS change de région, où elle obtient un poste de remplaçante. N’arrivant pas davantage à trouver ses marques, elle prend la décision de demander une disponibilité pour l’année suivante. Sa décision se révèle hautement bénéfique. Elle profite de cette année pour suivre un Master en FLE (Français Langues Étrangères), où elle étudie avec plaisir différentes matières touchant au Français bien sûr, mais également à des domaines comme la sociologie, en particulier à l’étude des rapports interculturels. Accessoirement, son mémoire de Master, dont le sujet touche évidemment de près l’Allemagne, lui offre la possibilité de retourner trois semaines à Berlin, dans un cadre professionnel cette fois-ci, et de nouer de nouveaux contacts. Par ailleurs, et surtout, cette année d’études lui permet de réfléchir à son propre parcours, de prendre du recul sur ses quatre années allemandes dont elle a eu du mal à revenir. Elle se rend compte ainsi que ce qui lui était arrivé était prévisible et compréhensible. Finalement, cette année, riche également en rencontres même si la formation se déroule à distance, lui donne l’occasion de faire le deuil de ses années de vie en Allemagne, et d’accepter d’avoir désormais une autre relation avec le pays.

Aujourd’hui, MGS a évidemment besoin de sa piqûre annuelle d’Allemagne, mais a une relation plus apaisée avec son second pays. Même si elle reconnaît qu’il lui a bien fallu quatre ans pour se remettre de son retour en France. Désormais, tout est rentré dans l’ordre, et elle a repris une classe l’année passée.
MGS n’envisage pas de seconde participation au Programme Élysée Prim ; en revanche, elle a très envie de repartir à l’étranger. Avec le travail de son conjoint, elle sait que seule une mobilité de courte durée est possible, aussi elle exclut de retourner à Berlin, pour éviter de devoir gérer à nouveau une arrivée et un départ.

Pour ce qui est de recommander le Programme Élysée Prim à un collègue français, MGS dit « pourquoi pas » pour ne pas répondre un non catégorique puisqu’elle n’a connu qu’un poste à Potsdam. Elle précise néanmoins que si le but est d’habiter à Berlin, un enseignant français trouvera aisément du travail, et elle recommanderait davantage cette voie plutôt que l’échange pour les perspectives professionnelles qu’elle offre.

Merci MGS d’avoir accepté de témoigner, et merci pour cet agréable moment de conversation 🙂

Share: