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Dennis Gansel, Die Welle (1h48), 13 mars 2008, du roman The Wave de Ron Jones

Il y a des films qui marquent autant par leur contenu que par le contexte dans lequel on les découvre. Celui-là en fait partie, et je me demande encore comment j’ai pu passer complètement à côté pendant toutes ces années. D’autant que lors de sa sortie, j’étais encore lycéenne, et donc en contact avec l’Allemagne par l’intermédiaire des cours de langue. Qui plus est, lors de sa sortie en France, j’étais à quelques mois du bac, et le sujet du film recoupe les programmes d’Histoire et d’Allemand de mon année de Terminale. Comme quoi, baigner dans la culture germanique ne suffit pas toujours, quand on peut être davantage au fait de l’actualité cinématographique outre-Rhin sans avoir la moindre relation avec l’Allemagne.

Pour tout avouer, je ne savais même pas avant de regarder le film qu’il se déroulait en Allemagne. Je savais simplement qu’il était question d’un professeur qui menait une expérience grandeur nature de l’autocratie avec ses élèves (et je vous ai par la même occasion résumé le film, dont on ne peut raconter davantage sur l’intrigue sans en dévoiler trop). École, élèves, Histoire : voilà qui suffisait déjà à susciter mon intérêt pour le film. Ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes que le « Autokratie » écrit en lettres script au tableau m’a fait réagir : « Ah, mais ça se passe en Allemagne ! ». La réponse qui a fusé a été tout aussi drôle : « T’es contente hein ! ». Eh bien oui. Même si j’aurais dû réagir avant le « k » du tableau : le professeur qui est en train de présenter son projet aux élèves, n’était-il pas celui qui, quelques heures plus tôt (enfin, quelques minutes plus tôt dans le film), assurait les entraînements de water-polo ? Cela est l’occasion de rappeler, ou de vous apprendre, qu’en Allemagne, les professeurs du second degré (du collège au lycée) enseignent deux matières. Au passage, le professeur et personnage principal du film, est joué par Jürgen Vogel, excellent dans ce rôle, qui le met bien plus en valeur que ses petites apparitions dans Good Bye, Lenin! !

Je ne dévoile (presque) rien si je vous dis que le film illustre superbement le mécanisme d’un projet de classe qui prend la forme d’une spirale négative. Et c’est ce qui fait toute sa force : en tant que spectateur, on assiste avec effroi à la mise en place de l’engrenage, quand les personnages tombent dedans avec une facilité alarmante. Alors qu’au début, les élèves sont réticents, débattant du bien-fondé de l’enseignement de l’Histoire allemande (ce qui a immédiatement fait écho à la séance d’Histoire que j’ai vécue cet été), voilà que rapidement, Rainer devient Herr Wenger, l’uniforme, initialement prévu pour les seules heures de projet, devient le signe distinctif de ce qui prend la forme d’un véritable parti politique : la vague. Une très jolie scène où il est question de tracts jetés dans les couloirs du lycée n’est pas sans rappeler le courage des Geschwister Scholl ; malheureusement, cette scène est aussi belle que les actes de rébellion n’abondent pas. Ainsi, la vague déferle bien au-delà du projet, jusqu’à faire des vagues là où elle ne devrait pas en faire : dans la piscine du lycée, plus exactement, lors d’un match de water-polo. Voilà la vague qui inonde tout le lycée, jusqu’à entraver le bon déroulement d’un événement qui se destinait à tout, sauf à être politique. Toute ressemblance avec Berlin 1936… n’est sans doute pas fortuite. Vous l’aurez compris : le projet de classe, aussi fédérateur qu’il soit, ne finit pas bien. Si vous préférez les fins heureuses, je ne peux que vous recommander l’excellent film de Marie-Castille Mention-Schaar : Les Héritiers, où il est également question d’Histoire, de mémoire, de projet de classe, et d’élément fédérateur.

Dans un registre plus léger, le film m’a également beaucoup plu pour un tas de détails qui m’ont à maintes reprises renvoyée vers mon quotidien allemand : le tableau coulissant, le fait que le tableau ne soit pas effacé entre deux cours, les copies avec les lignes, loin de nos sacro-saintes rayures Seyès, en écriture script (article à venir), les bouteilles de Jägermeister qui circulent lors des soirées lycéennes… Quand je disais « quotidien », c’était bien évidemment à entendre lire au sens large 😉 Dernière anecdote : je n’avais même pas reconnu Frederick Lau, (récompensé d’ailleurs par un prix pour le meilleur second rôle au Deutscher Filmpreis), alors qu’il jouait aussi dans SMS für dich…. Ce n’est qu’en faisant des recherches pour rédiger cet article que j’ai fait le rapprochement. À ma décharge, huit ans se sont écoulés entre les deux films !

Un film à voir, pour se souvenir. Ou pour ne pas oublier. Merci A. pour cette belle découverte… et vivement la prochaine.

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