Quoi ? « A voté » pour les présidentielles françaises ? Non, pas encore ! Cette année, je ne fais pas partie des « Français de l’étranger » pour les élections françaises puisque j’ai établi une procuration d’un an avant de partir. Je voterai (enfin, ma Maman votera pour moi) donc le même jour que mes compatriotes. C’était l’option la plus simple : pour les présidentielles et les législatives, j’aurais certes pu m’inscrire sur les listes consulaires, mais le consulat dont je dépends est à Francfort. Quatre allers-retours Kassel-Francfort, ça aurait fait un peu long et cher l’accomplissement du devoir citoyen. Et puis de toute façon, pour les élections locales, j’aurais été obligée de voter en France. Je ne souhaite aucun mal au maire de ma commune, mais on n’est jamais à l’abri d’une élection locale imprévue. Alors une procuration d’un an m’assurait la tranquillité la plus parfaite.
Pour autant, qui dit « procuration » ne dit pas forcément « loin des bureaux de vote pour un an » lorsque l’on réside dans l’Union Européenne : tout citoyen européen, quelle que soit sa nationalité et son pays de résidence a le droit de vote pour les élections municipales et européennes de sa commune. En l’occurrence pour moi, il s’agissait des élections municipales il y a dix jours. J’avoue que le vote m’a davantage amusée pour l’aspect ludique de voter dans un pays étranger que par pure conviction citoyenne et/ou politique. Voici néanmoins un aperçu de mon expérience d’électrice en Allemagne.

Ni délai, ni inscription à effectuer sur les listes électorales. Dès lors que vous avez réalisé votre Anmeldung, la commune vous inscrit sur ses listes électorales pour les élections qui vous concernent. C’est ainsi qu’un peu plus d’un mois avant les élections municipales, j’ai reçu, comme tous mes voisins allemands, ma convocation aux élections. Je ne fouille pas dans les boîtes aux lettres de mes voisins, mais le facteur de notre immeuble est quelque peu paresseux et dépose tout notre courrier sur la première boîte qu’il trouve. J’ai ainsi vu que tous les habitants de l’immeuble avaient reçu la convocation, et en ai donc déduit que tout le monde était en situation régulière quant à l’Anmeldung – dommage, je n’ai personne à dénoncer.
Si vous êtes absents le jour de l’élection, ou si vous n’avez tout simplement pas envie de vous déplacer le jour J comme l’un de mes coloc’s, vous pouvez voter à l’avance par courrier. Pour cela, il suffit de renvoyer la convocation ; la mairie vous compte ainsi parmi les votants (vous allez comprendre dans un instant comment), et vous renvoie un bulletin de vote que vous devez déposer dans la boîte aux lettres de la mairie (là encore, vous allez bientôt comprendre comment cela fonctionne). Évidemment, étant à Kassel le jour de l’élection, et par curiosité, je préférais me déplacer jusqu’au bureau de vote.
Je crois que le plus dur a été de trouver le bureau de vote : sur la convocation, rien n’était à première vue précisé. Je pensais naïvement qu’il me suffisait de me rendre à la mairie. En réalité, l’adresse de mon bureau de vote était marquée sur l’en-tête de ma convocation… heureusement que ce dimanche-là, quelques employés effectuaient des permanences, si bien que j’ai pu me faire indiquer l’adresse de mon bureau de vote. Finalement, même avec l’adresse, le bureau n’était pas si facile à trouver : l’adresse postale indiquée ne correspondait pas à l’adresse physique, l’entrée étant dans une rue quand l’adresse indiquée était la rue perpendiculaire. J’ai fini par trouver, contrairement à mon autre coloc’, qui, malgré toutes mes indications, n’a pas trouvé le bureau. Soit j’ai vraiment mal expliqué, soit il n’est pas doué en orientation… Quant à moi, j’ai non seulement trouvé l’entrée du bâtiment, mais aussi trouvé le bon local, puisque, comme en France, un lieu accueille bien souvent plusieurs bureaux de vote.

S’agissant de la phase de vote stricto sensu, dans les grandes lignes tout se déroule comme en France. Mais en y regardant de plus près, plein de petits détails changent. Ici…

  • … les listes électorales sont imprimées sur des feuilles A4 et non sur des feuilles A3
  • … il n’y a pas de carte d’électeur. La convocation et une pièce d’identité suffisent. Et sur la convocation, il est même indiqué que l’on peut se rendre au bureau en ayant perdu sa convocation. Cela dit, connaissant le goût assez prononcé des Allemands pour l’ordre, je ne conseillerais pas de tenter d’arriver avec sa seule pièce d’identité : on vous ferait bien sentir qu’il est préférable d’avoir sa convocation aussi.
  • … les électeurs qui ont déjà voté ont un « W » écrit en gras à côté de leur nom. Ne me demandez pas ce que cela signifie, je n’ai pas encore trouvé la réponse. Mais je parie fort que cela a quelque chose à faire avec le verbe wählen (voter).
  • … l’assesseur qui a vérifié mon identité n’a pu s’empêcher de sourire lorsqu’il a vu ma carte d’identité française, et ses deux collègues qui l’encadraient ont rapidement louché vers le document. Mais, professionnels, ils n’ont rien dit, et celui du milieu s’est contenté de cocher la case à côté de mon nom.
  • … point d’isoloir ressemblant à une cabine d’essayage. Dans mon bureau de vote, il y avait deux tables, deux chaises, deux crayons et deux cartons posés à la verticale sur chacune des tables.
  • … un seul et unique bulletin de vote, déjà plié en quatre, qui est remis au moment du contrôle d’identité. Pour voter, il n’y a plus qu’à le déplier dans « l’isoloir » et à cocher le nom du candidat choisi. Pas d’enveloppe non plus. Le dépouillage doit aller vite.
  • … pas d’urne transparente, encore moins de poignée actionnée par un assesseur : on dirait un carton de déménagement dans lequel une fente a été découpée au cutter. Un autre carton est posé dessus à l’horizontale, et un assesseur se charge de le déplacer au moment où vous sortez de « l’isoloir ».
  • … pas d’annonce solennelle de l’état civil intégral au moment du dépôt du bulletin. J’ai attendu… mais en ai déduit que le déplacement du carton signifiait qu’il était temps pour moi de voter.
  • … pas d’annonce solennelle non plus une fois que le bulletin est tombé dans l’urne. J’en avais pourtant rêvé fort de ce « hat gewählt! » (« a voté ! ») que j’entendrais pour la première (et peut-être dernière) fois de ma vie. En fait, je ne l’entendrai jamais.
  • … et c’est sans doute le plus important, pas de signature à fournir. Le simple coche de l’assesseur suffit visiblement à attester de votre présence. Sauf que je ne le savais pas, alors j’ai demandé où je devais signer. Réponse : nulle part (sous-entendu : mais quelle question étrange !).

Vous me remercierez pour ce conseil si un jour vous devez voter en Allemagne : autant pour la carte d’identité, les employés du bureau ont su se contenir, autant pour la question sur la signature, ils n’ont pu se retenir que le temps que je franchisse la porte du bureau de vote avant d’éclater en fou rire. Dommage, j’avais pourtant bien accompli jusqu’ici toutes les étapes pour me fondre dans la masse des citoyens de Kassel.

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